Dans l’affaire du Service de police et de la Commission des services policiers de Thunder Bay en application des paragraphes 23 (1) et 24 (1) de la Loi sur les services policiers, L.R.O. 1990, chap. P.15, dans sa version modifiée

Prolongation du mandat du 30 mars 2022

ORDONNANCE

Available in English


Ordonnance rendue par : Sean Weir, président exécutif, Tribunaux décisionnels Ontario; président, Commission civile de l’Ontario sur la police

Date de l’ordonnance : 9 mars 2023

Dossier : 22-FIL-001

Intitulé de la cause : Commission des services policiers de Thunder Bay (2022) (en l’affaire)


A. Contexte

  1. Le 19 avril 2022, la Commission civile de l’Ontario sur la police (« CCOP ») a rendu une ordonnance (« ordonnance initiale ») pour nommer, aux conditions énoncées dans le mandat portant la même date, un administrateur conformément aux pouvoirs qui lui sont conférés aux paragraphes 23 (1) et 24 (1) de la Loi sur les services policiersLSP »). Le 26 avril 2022, elle a rendu une autre ordonnance (« ordonnance modifiée ») pour clarifier les pouvoirs de l’administrateur. Ce dernier devait rétablir une bonne gouvernance pour que la Commission des services policiers de Thunder Bay (« Commission ») supervise adéquatement le Service de police de Thunder Bay (« Service de police ») ainsi que la confiance du public dans la capacité des deux entités de fournir des services de maintien de l’ordre adéquats et efficaces à Thunder Bay.
  2. L’ordonnance initiale concerne la nomination de Malcolm Mercer à titre d’administrateur de la Commission.
  3. Cette ordonnance a été modifiée le 26 avril 2022. L’ordonnance modifiée se trouve ici.
  4. Dans cette ordonnance modifiée, la CCOP nomme Malcolm Mercer comme administrateur et lui confie les fonctions énoncées au paragraphe 4.
  5. Le 14 octobre 2022, la CCOP a prolongé la nomination prévue dans l’ordonnance modifiée conformément aux pouvoirs qui lui sont conférés aux paragraphes 23 (1) et 24 (1) de la LSP. L’ordonnance du 14 octobre se trouve ici.
  6. Selon l’ordonnance initiale modifiée, la nomination de l’administrateur est en vigueur jusqu’au 30 mars 2023.
  7. Après examen de l’ordonnance initiale, de l’ordonnance du 14 octobre, du rapport de M. Mercer du 18 août 2022 et du rapport provisoire du 20 septembre 2022 du comité d’experts indépendant (« comité d’experts ») nommé par la Commission, je suis d’avis que la situation demeure assez urgente pour que la Commission continue de superviser le Service de police.
  8. Je pense que la prolongation du mandat de l’administrateur en application des paragraphes 23 (1) et 24 (1) de la LSP est nécessaire.
  9. Le mandat d’administrateur de Malcolm Mercer est donc prolongé par la présente ordonnance jusqu’au 31 mars 2024. Les rôles et responsabilités de M. Mercer demeureront essentiellement les mêmes jusqu’au 30 juin 2023, date après laquelle ses responsabilités seront réduites, comme il est indiqué ci-après.

B. Cadre réglementaire

  1. Les municipalités de l’Ontario sont tenues d’offrir des services policiers convenables et efficaces adaptés à leurs besoins1.
  2. Conformément au paragraphe 24 (1), la CCOP peut rendre certaines ordonnances provisoires en vertu du paragraphe 23 (1) sans préavis ni audience si elle estime qu’il existe une situation d’urgence et que cette ordonnance est nécessaire dans l’intérêt du public. En vertu de ce pouvoir, la CCOP a rendu l’ordonnance initiale et nommé un administrateur pour accomplir certaines des tâches y étant énumérées.

C. Conclusions

  1. J’ai examiné ce qui suit :
    1. Rapport de l’administrateur (M. Mercer) du 18 août 2022.
    2. Conclusions de faits de l’ordonnance initiale du 19 avril 2022.
    3. Conclusions de faits de l’ordonnance du 14 octobre 2022.
    4. Conclusions du rapport provisoire du comité d’experts.
    5. Mémoire présenté à la Commission par l’administrateur concernant le rapport provisoire du comité d’experts.
    6. Décret 29/2023 de nomination de Karen Monica Machado comme membre de la Commission.
    7. Avis de la cité de Thunder Bay indiquant la nomination du maire Ken Boshcoff, de la conseillère Shelby Ch’ng et de Denise Baxter comme membres de la Commission.
    8. Procès-verbal de la réunion de la Commission à propos de son comité de gouvernance (procès-verbal sur la formation du comité, surtout le procès-verbal approuvé en pièce jointe au paraphe 4 et les points essentiels de la réunion du 15 novembre).
    9. Procès-verbal de la réunion sur le comité des relations de travail (procès-verbal sur la formation du comité, surtout le procès-verbal approuvé à l’alinéa 6c) et les points essentiels de la réunion du 17 janvier).
    10. Procès-verbal de la réunion de la Commission concernant le recrutement d’un nouveau chef de police (alinéa 6b), les points essentiels de la réunion du 15 novembre et les points essentiels de la réunion du 21 février).
  2. Après examen de ces documents, j’arrive à la conclusion qu’il y a des preuves indiquant que l’ordonnance initiale de nomination de Malcolm Mercer doit être prolongée jusqu’au 31 mars 2024.
  3. Voici plus précisément ces preuves :
    1. La Commission compte actuellement quatre nouveaux membres et il en reste un à nommer.
    2. Ces personnes devront suivre des séances d’orientation et de formation, et il faudra du temps à la Commission pour être performante et avoir des membres informés.
    3. La formation devrait se dérouler au printemps 2023.
    4. La Commission est épaulée par un comité de gouvernance pour les affaires touchant les politiques. Ce comité s’est jusqu’à maintenant affairé au recrutement du nouveau chef de police. La Commission axera ensuite ses efforts sur les initiatives politiques.
    5. Un comité des relations de travail est créé pour ajouter de l’expertise en relations de travail, en négociations collectives, en gestion des limitations fonctionnelles et en retour au travail, en santé mentale au travail et en bien-être et ainsi soutenir la Commission dans ces domaines.
    6. Le recrutement du nouveau chef de police est en cours. Quelqu’un devrait occuper le poste bientôt; la Commission aura alors nommé quatre des cinq nouveaux membres dont elle a besoin pour combler les vacances.
    7. Le comité d’experts nommé par la Commission devrait publier son rapport en mars 2023 et donner, on l’espère, des conseils stratégiques utiles à la Commission et ses nouveaux membres.
    8. Il sera ensuite important pour la Commission de mettre en œuvre les recommandations formulées à la suite de l’enquête à son sujet par le sénateur Murray Sinclair (rapport 2018 de la CCOP) et celles faites suivant l’enquête du Bureau du directeur indépendant de l’examen de la police (« BDIEP ») sur le Service de police (rapport Une confiance trahie : les Autochtones et le Service de police de Thunder Bay du BDIEP).
    9. Dans les conclusions du rapport 2018 de la CCOP, il est dit, entre autres, que la Commission n’a pas démontré un engagement significatif dans l’élaboration de politiques en matière de gouvernance et de surveillance et qu’elle a manqué de leadership en omettant de s’engager à maintenir des voies de communication ouvertes avec les principaux organismes communautaires autochtones et les services de police autochtones qui veillent au maintien de l’ordre dans le Nord de l’Ontario. Vu les conclusions qu’il a tirées, le sénateur Sinclair a fait 45 recommandations, la majorité sur des mesures importantes à prendre par la Commission.
    10. Le rapport du BDIEP comprend des recommandations sur les secteurs opérationnels et la nécessité d’établir certaines politiques.
    11. Dans son rapport provisoire à la CCOP, M. Mercer, en tant qu’administrateur, conclut qu’il y a eu des défaillances sur le plan de la gouvernance ainsi que des retards inacceptables dans la mise en œuvre des recommandations de la CCOP et qu’une attention insuffisante a été portée aux incidences en matière de politiques des recommandations du BDIEP quelque trois ans et demi plus tard.
    12. Dans ce rapport provisoire, M. Mercer répète que la Commission avait un rôle important à jouer pour surveiller le rendement du chef de police dans le cadre de la mise en œuvre des recommandations du BDIEP et pour déterminer les incidences en matière de politiques qu’elle devait examiner.
    13. Même si le comité de gouvernance facilite ce travail, la CCOP doit assurer la supervision pour que tout soit fait.
    14. On peut raisonnablement conclure que, puisque maintes recommandations du sénateur Sinclair n’ont toujours pas été appliquées, la confiance des communautés autochtones à l’égard de la Commission chargée de surveiller adéquatement le Service de police et sa capacité à les protéger n’a pas atteint le niveau escompté. L’urgence déclarée par la CCOP en 2018 concernant le défaut de la Commission de répondre efficacement aux préoccupations des communautés autochtones n’est toujours pas terminée.
    15. Le nouveau chef de police sera fraîchement entré en fonction et aura besoin d’un temps de rodage.
    16. Le chef de police intérimaire actuel et les autres membres de la direction du Service de police prendront leur retraite dans un avenir proche. Le chef de police adjoint a repris ses fonctions le 27 février 2023, après un an de suspension, et son mandat se termine à la fin de 2024. Ces changements de personnel constitueront à la fois un défi et une occasion à saisir pour le nouveau chef de police.
    17. Il sera important que le point de vue de M. Mercer et les données historiques qu’il a recueillies à titre d’administrateur demeurent accessibles pendant que les nouveaux membres de la Commission et le nouveau chef de police acquièrent les connaissances et l’expérience nécessaires.
    18. La nouvelle Commission bénéficiera des conseils de M. Mercer sur les recommandations figurant dans le rapport final du comité d’experts.
    19. La Commission recevra ces conseils pendant que M. Mercer occupe encore ses fonctions d’administrateur, durant la transition vers la gouvernance complète par elle.

D. Analyse

Situation urgente

  1. Je suis d’avis que des preuves appuient la conclusion que la situation demeure urgente à la Commission. L’incertitude demeurera tant qu’une nouvelle Commission pleinement constituée ne sera pas en place et adéquatement formée, et que le nouveau chef de police n’aura pas terminé sa période de transition et eu le temps de s’occuper des changements de personnel susmentionnés. La Commission aura besoin de plus de temps pour gagner la confiance du public en sa capacité à superviser adéquatement le Service de police.
  2. Le mandat de l’administrateur sera prolongé en tenant compte du temps qu’il faudra à ce dernier pour superviser la transition à la tête de la Commission et du Service de police et assurer la bonne gouvernance des deux entités.

Intérêt public

  1. Certaines preuves appuient la conclusion voulant que l’urgence continue de la situation à la Commission est telle qu’elle exige des mesures immédiates.
  2. D’après ce qui a été dit, je suis d’avis que des preuves appuient la conclusion que la situation demeure urgente à la Commission et que la prolongation du mandat de l’administrateur pour lui permettre d’accomplir des fonctions précises relativement aux questions policières, conformément aux paragraphes 23 (1) et 24 (1) de la LSP, demeure nécessaire dans l’intérêt public.

E. Conclusion

Nomination d’un administrateur

  1. Conformément aux paragraphes 23 (1) et 24 (1) de la LSP, la CCOP prolonge le mandat de l’administrateur jusqu’au 31 mars 2024. La CCOP conserve aussi le pouvoir de prolonger ou d’annuler ce mandat, s’il le faut.

F. Ordonnance

  1. En plus de ce qui précède et conformément aux paragraphes 23 (1) et 24 (1) de la LSP, j’ordonne que l’administrateur puisse exécuter les présentes.

Administrateur

  1. Je prolonge par les présentes le mandat de Malcolm Mercer comme administrateur jusqu’au 31 mars 2024. Depuis sa nomination, il a prouvé qu’il ne s’en tient pas qu’aux fonctions de base du poste d’administrateur.
  2. Du 31 mars 2023 au 30 juin 2023, il aura les pouvoirs et responsabilités énoncés au paragraphe 22. Son rôle sera plus effacé à partir du 1er juillet 2023, car ses pouvoirs et responsabilités se limiteront alors à ceux du paragraphe 23.

Pouvoirs et responsabilités

  1. 23. Conformément au paragraphe 23 (5) de la LSP et afin de permettre à l’administrateur de superviser la transition vers le nouveau leadership de la Commission et du Service de police, l’administrateur aura les pouvoirs et responsabilités qui suivent du 31 mars 2023 au 30 juin 2023 :
    1. 1. Présider toutes les réunions ordinaires et extraordinaires de la Commission, y compris les séances à huis clos, et assister à toutes les réunions du sous-comité en tant que président (lui seul a droit de vote).
    2. Prendre des décisions exécutoires au nom de la Commission aux réunions ordinaires et extraordinaires, y compris les séances à huis clos, et aux réunions du sous-comité, qu’il y ait ou non quorum.
    3. Prendre par résolution des décisions exécutoires au nom de la Commission entre les réunions de cette dernière.
    4. Jouir d’un accès illimité et immédiat aux dossiers actuels et passés de la Commission qu’il demande aux fins de la présente ordonnance.
    5. À la demande de la Commission, obtenir les documents nécessaires auprès de tout membre du Service de police ou de la Commission.
    6. De son propre chef ou à la demande d’un membre de la Commission, conseiller cette dernière ou ses membres sur différents points, notamment les processus comme la consignation des votes, la tenue des procès-verbaux, l’inscription des points à l’ordre du jour, la délégation des pouvoirs et la composition des sous-comités.
    7. Apporter aux processus de la Commission les modifications qui, selon lui, sont nécessaires ou recommandées pour améliorer la gouvernance du Service de police.
    8. Faire des recommandations au président exécutif de la CCOP au sujet de la composition de la Commission, notamment le pouvoir de suspendre ses membres.
    9. Informer le président exécutif de la nécessité de modifier ou d’annuler une ordonnance rendue suivant un changement de circonstances, en consultation avec la Commission.
    10. Présenter un rapport lorsque le président exécutif le demande, mais au moins une fois par mois, et informer le président exécutif de la nécessité de modifier ou d’annuler ses pouvoirs, s’il le faut.
  2. Conformément au paragraphe 23 (5) de la LSP et pour que le travail sur les politiques de la Commission progresse efficacement, notamment la mise en œuvre des recommandations du sénateur Sinclair, l’administrateur aura les pouvoirs et responsabilités qui suivent du 1er juillet 2023 au 31 mars 2024 :
    1. À sa discrétion, continuer de participer, en personne ou par téléconférence ou vidéoconférence, aux réunions ordinaires et extraordinaires de la Commission, y compris les séances à huis clos, ainsi qu’aux réunions du sous-comité. Il a droit à un vote par réunion, tant qu’il y a moins de cinq membres de la Commission présents (s’il y en a cinq ou plus, il n’a pas de droit de vote).
    2. De son propre chef ou à la demande d’un membre de la Commission ou du chef de police, consulter la Commission, ses membres et le chef de police sur ce qui relève de la Commission aux termes de la LSP et les conseiller à ce sujet.
    3. Faire des recommandations au président exécutif de la CCOP au sujet de la composition de la Commission, notamment le pouvoir de suspendre ses membres.
    4. Informer le président exécutif de la nécessité de modifier ou d’annuler une ordonnance rendue suivant un changement de circonstances, en consultation avec la Commission.
    5. Présenter un rapport lorsque le président exécutif le demande, mais au moins une fois par mois, et informer le président exécutif de la nécessité de modifier ou d’annuler ses pouvoirs, s’il le faut.

FAIT à Toronto le 9 mars 2023.

Sean Weir
Président, Commission civile de l’Ontario sur la police;
président exécutif, Tribunaux décisionnels Ontario

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